Interview de Sylvain Blondin pour l’Emission Libre échange RCN 90.7
25 janvier 2018
Ceci est la retranscription d’une interview en direct.
La structure des phrases peut donc être différente de celle d’un article écrit.
Merci de ne pas nous en tenir rigueur.
Sylvain Blondin
Madame Geneviève Schmit bonjour. Vous êtes coach thérapeutique pour les victimes de manipulateurs pervers narcissiques. Une chose importante pour situer un peu le contexte avant de parler de la thérapie, si vous deviez donner une définition d’un pervers narcissique, laquelle serait-elle?
Geneviève Schmit
Pour moi, un pervers narcissique, qu’il soit homme ou qu’il soit femme, est une personnalité qui est essentiellement egocentrée et qui a une immaturité émotionnelle totale. On pourrait dire que c’est comme si le développement émotionnel de cette personne s’était figé à l’âge de 5 ou 6 ans. C’est une période chez l’enfant où, tout naturellement, l’autre n’existe pas en tant que tel. L’autre n’est là que pour satisfaire ses besoins, l’autre est là pour apporter le doudou, le biberon, ou les bras qui vont venir le rassurer ou le coucher. Le pervers narcissique est donc un être qui aurait un corps d’adulte avec le développement émotionnel d’un petit enfant, autour duquel tout doit toujours tourner. Donc, égocentrisme total et immaturité émotionnelle sont pour moi comme le « code ADN » du pervers narcissique. C’est le noyau central de la personnalité perverse narcissique.
Une fois qu’on a compris ce fondamental là, tout le reste peut prendre sens. Les conséquences, les effets secondaires de ce « noyau central « vont commencer à prendre sens et permettre, d’une part, de mieux comprendre, et d’autre part, de mieux gérer les situations qui peuvent parfois être particulièrement dramatiques.
Sylvain Blondin
Cette pathologie; est-elle due à l’enfance ? Vous allez me dire qu’il existe un certain nombre de causes, mais pour essayer de comprendre un peu mieux par rapport à vos connaissances, est-ce qu’il y a eu des chocs émotionnels? Qu’est-ce qui s’est passé exactement?
Geneviève Schmit
Effectivement cette question revient très souvent… Nous n’avons pas de réponse catégorique bien évidemment parce qu’il n’est théoriquement pas possible d’analyser réellement le cerveau, le fonctionnement du pervers narcissique. A mon avis il ne serait pas d’accord! Mais il semble quand même que les causes soient multifactorielles. De ce que j’ai pu lire, apprendre, aussi bien par les neurosciences que par l’observation clinique et les nombreuses discussions que j’ai pu moi-même avoir avec des personnalités de ce genre, il semblerait qu’il y ait probablement une part génétique, transgénérationnelle, qu’il y ait donc une faiblesse au niveau du fonctionnement du cerveau, un manque dans la zone de l’affect, dans la zone du rapport à l’autre. C’est comme si les connexions ne fonctionnaient pas correctement. Avec ce dysfonctionnement là, bien évidemment, lors du développement de son cerveau, le fœtus va amplifier le phénomène ou l’atténuer. Si la maman a une grossesse agréable et sereine, il est fort probable que, cette zone liée à l’affect qui est défaillante, va un peu se restaurer. Par contre, si la grossesse se passe dans le chaos, comme c’est souvent le cas, lorsqu’il y a un compagnon, un mari, un père qui est manipulateur et qui est dans le harcèlement et la violence psychologique, le stress de la maman va générer que cette zone-là du cerveau du fœtus va se contracter davantage et le problème va s’accentuer. On va pouvoir observer ce phénomène tout au long de l’enfance, où les évènements, les situations vont renforcer ou atténuer le problème de base. Donc, il est évident que si l’enfant vit dans un environnement ou un des parents est toxique, ce problème va s’accentuer, s’il y a des traumatismes qui viennent se rajouter, ils vont bien évidemment se rajouter aussi au problème. Le cerveau continuant de se développer va prendre en compte tous ces évènements-là. Donc, on peut se rendre compte qu’il y a plein de causes, de raisons possibles qui vont se sur-rajouter les unes aux autres et qui donneront un « camaïeu de gris ». Le PN n’est pas blanc ou noir, il y a tout un camaïeu de gris. Il y a toute une gamme de personnalités qui vont du manipulateur vendeur de bagnole pour lequel ce n’est pas très grave, au psychopathe. Pour situer l’individu dans cette échelle, il faut bien évidemment avoir une vision globale de la situation afin de se faire une meilleure idée et comprendre à qui on a à faire.
Sylvain Blondin
C’est donc une pathologie où il est difficile pour la personne de s’en rendre compte par elle-même ? Comment peut-on s’en rendre compte? Comment se rendre compte qu’une personne est perverse narcissique?
Geneviève Schmit
Comment une personne extérieure peut s’en rendre compte ou comment un pervers narcissique peut-il s’en rendre compte ?
Sylvain Blondin
Déjà la personne narcissique mais également la personne extérieure. Comment cela va se manifester par la suite.
Geneviève Schmit
La personne narcissique aura du mal à s’en rendre compte car elle restera dans le déni. La personnalité perverse narcissique aura construit, autour de ce vide, de ce Moi qui n’est pas construit, de cette maturité émotionnelle qui ne s’est pas développée, une réelle forteresse pour s’en protéger. Au fil du temps, il va s’identifier à cette forteresse et va oublier le vide qui se trouve piégé à l’intérieur. Il ne va donc pas être conscient de son problème. Si on le met face à son vide, si on arrivait à le mettre réellement face à son vide, il deviendrait fou, il se disloquerait dans ce vide sidéral.
Pour ce qui est de la victime, elle va s’en rendre compte parce que la relation va être difficile, que la relation va être stressante, qu’il va y avoir du chaud et du froid, qu’elle ne pourra pas se sentir à l’aise ni valorisée dans la relation. Elle va se sentir de plus en plus isolée du monde extérieur, la personne qui est manipulatrice, homme ou femme, va dénigrer toutes les choses qu’il ou elle fait. Il y a toutes sortes de contraintes qui vont se mettre en place et qui, normalement, si la victime est normalement constituée, lui feront se poser quelques questions. De fil en aiguille, peut être regardera-t-il ou regardera-t-elle sur Internet: « dysfonctionnement du couple », « pression », « souffrance psychologique », et, finalement va trouver le mot, le terme « pervers narcissique ». J’ai déjà remarqué qu’à ce moment-là les patients me racontent que c’est comme si toutes les pièces du puzzle venaient prendre leur place et ils comprennent enfin ce qui se passe dans leur vie.
Sylvain Blondin
Est-ce que c’est une pathologie réversible?
Geneviève Schmit
Pathologie réversible … A partir du moment où le cerveau a une déficience dans la zone de l’affect je vois mal comment cela peut être « réversible ». Mais, néanmoins, en ce moment je suis en thérapie un monsieur qui pense être pervers narcissique et c’est effectivement fort probable. J’en ai eu deux ou trois autres dans ma carrière. Il cherche à atténuer l’impact de son problème. Un autre auquel je pense à l’instant, un médecin que j’ai suivi il y a longtemps durant de nombreux mois, qui est à la retraite, c’était un grand chirurgien. Il sait qu’il est pervers narcissique parce qu’il a oublié d’être un imbécile. Il a fait des recherches sur ce qu’on lui a dit et il a compris. Il m’a également dit lui-même et très clairement qu’il ne guérirait jamais. Par contre il est capable aujourd’hui d’anticiper les crises de rage et les montées de colère qu’il pouvait avoir, et dont, il y a quelques années encore, tout le monde profitait. Aujourd’hui il les sent venir et il s’écarte. Il arrive à mieux les gérer et à faire en sorte que son entourage ne soit plus son souffre-douleur. D’après lui on ne guérit pas, et c’est ce que je pense aussi, mais des personnalités, intelligentes et volontaires, qui ont un esprit un peu particulier, peuvent peut-être atténuer la problématique.
Sylvain Blondin
Vous parlez là d’un cas, d’un professeur. Mais est-ce que vous pensez qu’une personne qui a fait des études assez poussées dans la recherche, son activité peut-elle contribuer à devenir pervers narcissique? Je ne comprends pas ????
Geneviève Schmit
Oui! Des pervers narcissiques qui sont très intelligents, qui deviennent médecins, chercheurs… J’en ai un en ce moment en thérapie, c’est un éminent chirurgien ophtalmo. Il ne se préoccupe absolument pas de son environnement. Son objectif est d’être le meilleur, d’être celui qui va diriger la clinique ou le service sans la moindre conscience ou même préoccupation des gens qui l’entourent. Ce sont des gens qui n’ont en tête que leur objectif, que le fait d’arriver au succès, d’être le meilleur et d’être reconnu comme étant le meilleur. Bien plus qu’ « être », c’est « être reconnu » comme le meilleur qui est important. Il se fiche pas mal des dégâts collatéraux.
Sylvain Blondin
Alors vous êtes coach justement pour les victimes de manipulateurs pervers narcissiques. Quelles sont les personnes que vous rencontrez, quels sont les profils. Est-ce qu’il y a des profils particuliers, ou un profil type de personnes qui ont été victimes de ces personnes pervers narcissiques?
Geneviève Schmit
Oui, il y a un profil type. De la même manière que pour le PN, il y a un profil type pour la victime.
Ce sont, pour ma part, toujours des personnes, hommes ou femmes, malgré tout surtout femmes, qui ont une défaillance au niveau de l’image de soi, de la confiance en soi et de l’estime de soi. Elles n’en sont pas nécessairement toujours conscientes. (Je vais mettre au féminin pour simplifier les choses mais il y a bien sûr des hommes qui sont victimes). Elles n’en sont donc pas toujours nécessairement conscientes mais il y a immanquablement cette faille au niveau de l’image et confiance en soi, qui a pour conséquence une peur du rejet, une peur de l’abandon, une peur de la solitude. Ce qui fait que ces personnes vont avoir, ce que j’appelle avec un peu d’humour, le « syndrome mère Térésa ». C’est-à-dire vouloir « sauver » l’autre, vouloir faire en sorte que l’autre s’en sorte. Là on a le terreau idéal pour une emprise perverse. Pour que le moment soit vraiment idéal pour l’emprise, il faut que cette victime potentielle se trouve dans une période de difficulté. Imaginons le chômage, une rupture ou un décès. Quelque chose dans sa vie qui la rend encore plus déstabilisée, et, pour peu qu’un pervers narcissique passe dans les parages à ce moment-là, il va « flairer » la chose et jeter son emprise, jeter son dévolu sur cette personne-là afin d’y déclencher cette emprise perverse.
Sylvain Blondin
La majorité des pervers narcissiques ce sont des hommes… Est-ce que les femmes sont atteintes par cette pathologie?
Geneviève Schmit
Oui, il y a des femmes qui sont perverse narcissiques, bien sûr. Je pense qu’il y en a moins parce que, dans ma patientèle je ne vois pratiquement que des femmes victimes et très peu d’hommes victimes. Peut-être est-ce parce que les hommes victimes ne se manifestent pas de la même manière. Il y a la honte de s’être fait manipuler par une femme, de s’être fait balader comme çà. Il y a des hontes supplémentaires qui bloquent peut-être la parole. Mais je crois quand même que le tempérament manipulateur pervers narcissique est un tempérament fondamentalement masculin dans son fonctionnement. On est dans la testostérone, on est vraiment dans le « masculin » au niveau du fonctionnement. Mais il existe des femmes qui ont aussi un fonctionnement très « viril », ce n’est pas une question de sexe. Néanmoins je pense qu’il y a beaucoup plus d’hommes pervers narcissiques que de femmes.
Sylvain Blondin
Au niveau de la reconstruction; Comment cela se passe-t-il? Comment se passe une thérapie?
Geneviève Schmit
La thérapie, en tout cas comme moi je la pratique avec les personnes qui me font confiance ; je les aide à comprendre, à réaliser la situation dans laquelle elles se trouvent. Il faut faire le bilan de ce qui est. Et comme je leur dis avec tendresse, il faut descendre de sa licorne pour pouvoir oser regarder la réalité en face et accepter sa part de responsabilité. C’est quelque chose de très difficile. Les victimes ont beaucoup de mal à accepter l’idée qu’elles y sont aussi, un petit peu, pour quelque chose. On a une part de responsabilité. Il faut comprendre ce qu’est la dynamique relationnelle, c’est-à-dire ce jeu de ping-pong pervers qu’il y a entre l’un et l’autre. Un jeu de ping-pong que l’on joue avec une grenade dégoupillée. A un moment donné, il y en a un des deux qui saute. Tant qu’à faire, autant que ce ne soit pas la victime.
Donc mon rôle sera de les aider à voir clair dans leurs situations, et ensuite de mettre en place des stratégies cohérentes pour s’en sortir. Le tout n’est pas de comprendre ce qui se passe. Je pense qu’il est essentiel de sortir du bouillon et reprendre sa vie en main. Aussi d’aider les enfants qui sont pris au piège à s’en sortir au mieux. Les deux premières étapes sont celles-là: voir clair et mettre en place les stratégies pour sortir du bouillon. Ensuite il faut restaurer, effectuer un travail de réparation, de restaurer l’image de soi, de restaurer cette force intérieure qui permettra d’éviter de retomber dans le même piège avec une autre personne.
J’aime beaucoup faire ce travail avec les patients qui vont jusqu’au bout parce qu’à ce moment-là, on arrive au travail de pardon, le pardon à soi, le pardon à l’autre. Le pardon cela ne veut pas dire: « Ce que tu as fait est très bien, je t’en félicite et on peut recommencer! » Ce n’est pas cela du tout! Le pardon c’est lâcher prise. Cela veut dire: « Ce que tu as fait, tu t’en vas avec. » « Je ne conserve pas de colère, je laisse partir la colère aussi, je ne vais pas continuer à me détruire moi-même, toute seule. » C’est le travail de lâcher-prise. Le pardon, est intéressant et mène à parler de ce que Boris Cyrulnik appelle la « résilience ». Là le travail est achevé.
Sylvain Blondin
Il est certain que chacun est un cas particulier, mais combien de temps cela prend pour pouvoir se reconstruire?
Geneviève Schmit
Comme vous le dites très bien, chaque cas est particulier, et comme on est dans une dynamique relationnelle, il y a aussi l’impact que l’autre va avoir sur la situation. Si le pervers narcissique ne sollicite pas, ne réactive pas constamment le manque, le besoin chez la victime, cela peut aller relativement vite. Mais la plupart du temps ces bestioles-là ne se laissent pas faire. Ils vont harceler la victime, ils vont se rappeler à leur bon souvenir. Ou alors il y a les enfants entre les deux qui vont être utilisés comme arme pour atteindre l’un ou l’autre. Tous ces éléments-là font que cela peut durer 6 mois comme 6 ans, comme toute la vie. On ne peut pas donner de timing pour cela.
Sylvain Blondin
Est-ce que cette thérapie est prise en charge par les organismes de sécurité sociale ou autres?
Geneviève Schmit
Malheureusement non. Malheureusement aussi, il y a très peu de vrais spécialistes dans ce domaine et ce sont en général des gens qui ne sont pas conventionnés comme le serait un médecin ou psychologue d’état. Il n’y a donc pas de prise en charge. C’est une des raisons pour laquelle j’ai à cœur d’écrire énormément de choses, avec des conseils concrets, pratiques, comme ceux que j’utilise dans mes consultations, et que je publie pour des lectures gratuites dans les sites que j’administre et dans mes livres. Cela fait partie de cette part de bénévolat parce que, à mon époque, lorsque j’ai vécu personnellement cette expérience il y a 10 ans, il n’y avait rien, si ce n’est le livre de Marie France Hirigoyen qui m’a d’ailleurs bien aidée à ce moment-là. On ne disposait de rien.
Aujourd’hui, Internet nous permet d’avoir accès à beaucoup d’informations, mais aussi à beaucoup de sottises malheureusement. On dit beaucoup de bêtises sur ce sujet. Personnellement et d’autres le font aussi, on tente d’écrire la réalité telle qu’elle est, avec des mots simples que tout le monde peut comprendre et surtout avec des conseils concrets et pratiques.
Même sans argent, on peut donc aujourd’hui s’en sortir si on veut bien s’en donner la peine et si on a cette force et ce courage à l’intérieur de soi.
Sylvain Blondin
Alors comment cela se passe, Geneviève, vos thérapies? Ce sont des thérapies individuelles, en groupes ?
Geneviève Schmit
J’ai arrêté de faire des groupes de parole parce que j’ai remarqué que l’on tournait en rond. Dans les groupes de parole, tout le monde, et c’est parfaitement légitime, parle de sa propre souffrance et on ne parle que de cela, que de la souffrance. On n’a jamais le temps de parler du comment agir et se positionner pour en sortir. J’ai fait cela durant quelques années et puis j’ai arrêté. Je travaille aujourd’hui uniquement en individuel pour aller au plus vite à l’essentiel. C’est-à-dire pour amener le plus rapidement possible la personne à faire le choix de vie et à mettre en place les bonnes attitudes, les bonnes stratégies pour en sortir.
Et même si toutes les situations avec les pervers narcissiques se ressemblent, elles sont quand même toujours uniques. Ce que je vais conseiller à l’un ne sera pas nécessairement juste pour l’autre. L’individuel est donc ce qu’il y a de plus approprié.
Sylvain Blondin
Y a-t-il beaucoup de personnes qui sont concernées et qui développent cette pathologie?
Geneviève Schmit
Je crois qu’il y a beaucoup de pervers narcissiques. Je crois aussi qu’il y a un effet de mode qui a pour conséquence que l’on va mettre dans la case PN beaucoup de personnes qui sont probablement très toxiques mais pas nécessairement perverses narcissiques. Cela joue d’ailleurs beaucoup de tours aux victimes de pervers narcissique, car cela dénature le terme, dénature la situation. Aujourd’hui il vaut mieux ne pas parler de PN à la Police ou devant le juge. C’est très mal perçu.
Mais je pense qu’il y en a beaucoup et le monde dans lequel on vit, à mon avis, favorise l’expansion ou le renforcement de ce potentiel pervers narcissique. Comme je l’évoquais au début de notre échange, les évènements de la vie peuvent venir renforcer ce potentiel ou l’atténuer. Le monde dans lequel on vit est un monde où nous sommes dans l’urgence, où il faut grimper très vite les échelons, parce que tout va de plus en plus vite. Malgré tout, nous sommes confrontés à une situation de crise qui, à mon avis, va favoriser l’expression de ce profil là.
Sylvain Blondin
Est-ce que le contexte familial va contribuer au développement de cette pathologie?
Geneviève Schmit
Oui, tout à fait. Cela fait partie des facteurs importants. On voit d’ailleurs des familles toxiques. Des familles où il y a pères, grands-pères ou grands-mères pervers narcissiques et cela se reproduit, cela s’enchaine de père en fils. Il y a des climats où il y a des comportements incestuels ou incestueux qui vont renforcer encore tout cela. Tout ceci est très glauque… Je crois qu’il y a des climats familiaux qui sont favorables à cela.
Sylvain Blondin
Est-ce que le monde actuel dans lequel nous vivons, où les personnes se trouvent de plus en plus isolées, ont de plus en plus d’activités, de moins en moins de temps, et c’est ma vision des choses, sont de plus en plus égoïstes et individualistes, est-ce cela qui contribue aussi à développer cette pathologie de pervers narcissique ou d’autres pathologies?
Geneviève Schmit
Oui, et je pense aussi que cela favorise le potentiel de victimes! Aujourd’hui on est tout le temps fixé devant notre écran, devant notre Facebook, devant nos réseaux sociaux et on rêve notre vie! Donc, les victimes qui se sentent déjà plutôt mal par rapport à leur environnement, à cause de leur manque de confiance en elles, vont plonger, têtes baissées, dans les rêveries, dans les fantasmes de relations plus ou moins virtuelles et je crois que cela favorise ces liens pervers. Je crois que le monde dans lequel on vit, un monde de plus en plus dans le virtuel, on n’a plus de temps, on ne donne plus le temps pour rencontrer les gens. On ne se donne plus le temps de se faire confiance, petit à petit. Il faut que tout aille très vite et dans la relation c’est pareil. Je crois que c’est un terreau idéal pour les relations toxiques.
Sylvain Blondin
Existe-t-il des traitements médicaux ou il n’y a-t-il que la thérapie pour pouvoir lutter contre cette pathologie?
Geneviève Schmit
S’il existe des traitements pour soigner les pervers narcissiques? C’est de cela dont vous voulez parler?
Sylvain Blondin
Oui c’est bien cela.
Geneviève Schmit
Déjà pour pouvoir « soigner » quelqu’un il faudrait qu’il puisse être conscient qu’il est malade. Il faudrait que l’individu dise: « Cher docteur, je ne me sens pas bien, j’ai un problème de comportement, soignez-moi. » Or, je ne pense pas vraiment que ce soit possible. Mis à part 2 ou 3 personnes, j’en connais 2 ou 3, il est excessivement rare que des personnes entreprennent cette démarche-là.
Sylvain Blondin
Il y a un certain déni ? La personne ne se rend pas compte?
Geneviève Schmit
Ce n’est pas un déni conscient. C’est un déni inconscient. Je vous ai tout à l’heure parlé du fait que le pervers narcissique a construit comme une forteresse autour de son vide intérieur, autour de ce « Moi » qui n’est pas construit. Il n’est plus conscient de cela. Très rapidement il perd la conscience de cette construction. Il s’est identifié à cette forteresse. Il n’a plus conscience qu’il y a ce vide en lui. Par ailleurs, le cerveau qui lui n’oublie rien et qui est assez bien fait, va faire en sorte que l’individu ne se rapproche pas trop de ce vide. C’est un neuroscientifique qui me l’a dit, si le pervers narcissique se rendait vraiment compte de ce vide, s’il avait le nez au-dessus de ce vide, son cerveau serait morcelé, il deviendrait fou, il se disloquerait! Donc, par autoprotection, il ne se rapprochera pas de ce vide.
Sylvain Blondin
Madame Geneviève Schmit, merci beaucoup. Je tiens à rappeler que vous êtes coach thérapeutique pour les victimes de manipulateurs pervers narcissiques.